octobre 14, 2024

LES SCIENTIFIQUES FRANÇAIS

REVUE DE PHILOSOPHIE DE LA PAIX

President of France (1913-1920)

LA PAIX DANS LE MONDE ET LE ROLE DE LA RENAISSANCE FRANÇAISE

LA PAIX DANS LE MONDE ET LE ROLE DE LA RENAISSANCE FRANÇAISE

 par Prof. Denis Fadda

 

Prof. Denis Fadda

Raymond Poincaré naît en 1860.

La première des trois guerres ayant opposé la France et l’Allemagne éclate le 19 juillet 1870.

Poincaré est élu Président de la République française le 18 février 1913; son mandat s’achève le 18 février 1920.

Ces quelques dates et faits nous disent beaucoup sur Raymond Poincaré et sur les racines de La Renaissance Française car il en fut le fondateur.

Il est né en Lorraine comme tous ses ascendants.  Lui-même se sent profondément lorrain; il restera toute sa vie très attaché à sa province. Sans doute aurait-il pu dire avec Pierre Gaxotte, lorrain lui aussi: «Je ne vois pas pourquoi je cesserais d’être de mon village. Il a changé. Je l’ai quitté. J’ai vieilli mais je le porte toujours en moi et je serais bien sot de me dire d’ailleurs pour en tirer vanité».

Il va avoir dix ans lorsque éclate la guerre; il est témoin de la défaite. La Lorraine est amputée, la frontière avec l’Allemagne est déplacée; il voit arriver en grand nombre les réfugiés d’Alsace et de Moselle et il découvre leur détresse; jusqu’en 1874 il connaît l’occupation prussienne et les humiliations qui l’accompagnent. Il en sera marqué à vie.

Il est à différentes reprises ministre de l’instruction publique, ministre des finances, ministre des Affaires étrangères, cinq fois président du conseil, même après avoir été Président de la République.

Une longévité politique au plus haut niveau tout à fait exceptionnelle. Il a été réélu au Sénat avant même l’expiration de son mandat de Président de la République et y a été réélu, pour la dernière fois, peu avant sa disparition. Lorsqu’il décède à 74 ans, il a accompli 40 ans de vie parlementaire et 48 ans de vie politique ininterrompue. Aucun échec électoral.

A 49 ans, il a aussi été élu membre de l’Académie française; l’année précédente, ses adversaires politiques ont favorisé l’élection de son cousin germain le mathématicien-physicien-philosophe Henri Poincaré, pensant qu’ainsi ils lui barreraient la route de l’Académie. Peine perdue; Henri Poincaré est en effet élu mais Raymond Poincaré l’est aussi. Une intelligence brillante, une grande force de conviction: il s’impose toujours.

Poincaré devra faire la guerre alors qu’il est profondément un homme de paix.

En 1913, alors qu’il a à peine été élu Président de la République, des informations alarmantes commencent à lui parvenir, l’Allemagne se réarme.

Il multiplie alors les voyages à l’étranger pour s’assurer de la fidélité des alliés de la France. Encore quinze jours avant le déclenchement du conflit – l’Allemagne déclare la guerre le 3 août 1914 – il est en Russie.

La guerre éclate, il se dépense sans compter. Les ministères passent ; la France connaîtra dix gouvernements durant cette guerre. Bien qu’il ait proclamé «l’Union sacrée» le 4 août 1914, les jeux des partis ne cessent pas. Il est le seul «permanent», si j’ose dire. Il se sent un peu seul mais il ne se décourage nullement.

Il doit redoubler d’énergie ; il se rend souvent sur le front, il convainc, il galvanise. Et, à partir de 1917, il saura s’entendre avec le grand Georges Clémenceau qui n’est pourtant pas de ses amis ; c’est le moins que l’on puisse dire.

S’il a été le Président de la République de la Guerre, Poincaré n’en a pas moins été habité par l’idée de construire la paix. Il fallait gagner la paix puis  reconquérir les cœurs dans les territoires libérés.

Dès la fin de 1914 et le début de 1915, un petit groupe se constitue autour de lui; il est mené par Georges Lecourtier, un lorrain aussi. Ce groupe réfléchit déjà à la reconstruction dans les zones détruites et à l’édification d’une paix durable entre les peuples.

Poincaré est un visionnaire. Il croit fermement en la victoire mais la victoire ne suffit pas; ce qu’il veut, de toutes ses forces, c’est bâtir la paix entre la France et l’Allemagne. Pour cela il faut vaincre sans humilier.Il est opposé à des sanctions extrêmes contre l’Allemagne.

De même, il veut agir avec prudence vis à vis des populations libérées. A la fin de la guerre, il y aura presque 50 ans que lesdites populations sont séparées de la France; les Alsaciens et les Mosellans qui ont quitté leur terre ont été remplacés par des Allemands. L’Allemagne a mené une politique de germanisation à outrance et la majeure partie des habitants des territoires ne connaît plus la langue française: «pauvres gens ballottés par les siècles entre deux grandes nations voisines ! » s’écriera Poincaré.

Il lui faut une institution chargée de reconquérir les cœurs et faire de nouveau rayonner la langue et la culture françaises, pour œuvrer à la paix ; ce sera La Renaissance Française; elle portera, à ses débuts, le nom de «Renaissance Française de l’Alsace-Lorraine».

Dès 1913, Gustave Philippon, inspecteur général de l’instruction publique, a eu l’idée de La Renaissance Française. Il l’a proposée à Poincaré ; celui-ci la fonde en 1915. Ses statuts sont déposés le 5 avril 1916 alors même que l’offensive allemande contre Verdun a été engagée le 21 février.

Quelle persévérance ! Quelle détermination ! Au cœur même du conflit, Poincaré continue à vouloir construire la paix. Là est vraiment son génie propre  Et il place la jeune organisation – première initiative francophone – sous le haut patronage du Président de la République. A l’expiration de son mandat, il en sera le premier président d’honneur.

La plupart de ceux qui portent avec lui La Renaissance Française sur les fonds baptismaux sont des Alsaciens et des Lorrains ; Lyautey est Lorrain, le Recteur Paul Appell est Alsacien, Georges Risler est de famille alsacienne.

Etablissement d’utilité publique, La Renaissance Française sera autorisée à accorder des distinctions; elle sera aussi placée sous le haut patronage des ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Intérieur et de l’instruction publique.

Ces patronages indiquent bien l’esprit dans lequel notre institution s’est édifiée. Son emblème et son logo mêleront rameau d’olivier et branche de lauriers symboles de paix.

Poincaré a confié deux missions à La Renaissance Française : apporter de nouveau la langue et la culture françaises aux régions libérées, et contribuer à l’édification de la paix et à sa pérennisation en Europe et au-delà.

Dès sa fondation, elle intervient avec succès en Alsace et en Lorraine; le Président et Madame Poincaré sont parrain et marraine des enfants que l’institution prend en charge. A peine la guerre terminée, La Renaissance Française a des contacts en Allemagne, tisse des liens en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie en Yougoslavie, au Liban, en Egypte et favorise la venue en France d’étudiants de ces pays.

De nos jours, elle continue d’agir pour la paix par la diffusion du savoir, de la culture et des valeurs francophones, la protection des patrimoines (y compris les patrimoines immatériels, notre environnement, nos paysages), la mise en valeur des cultures régionales et locales, la promotion des métiers d’art et de l’artisanat, l’aide aux « communautés francophones dispersées » (concept qui a été repris par l’O.I.F., l’Organisation internationale de la Francophonie), la protection et la sauvegarde des langues  minoritaires. Ceci, dans un esprit de dialogue, d’échange et de partage avec les autres cultures.

Car, si elle participe au rayonnement de la langue française et à la diffusion de la culture francophone sur tous les continents, notre institution n’est évidemment en rivalité avec aucune autre langue et aucune autre culture. Bien au contraire, La Renaissance Française s’emploie aussi à protéger, s’il y a lieu, et en tout cas à faire mieux connaître les autres cultures, à les faire dialoguer avec la nôtre. Les délégations de La Renaissance Français hors de France s’attachent à faire rencontrer la culture française et celle du monde francophone avec celle du pays où elles opèrent et à faire mieux connaître la culture de ce pays.

C’est pourquoi, outre celles de France, notre institution dispose de délégations dans une quarantaine de pays dont, la plupart, ne sont pas des pays francophones. L’Arménie, la Russie, les Etats-Unis, l’Argentine, le Costa Rica,  la Bulgarie, la Serbie, le Japon par exemple. Il faut dire que la francophonie de La Renaissance Française ne se limite pas aux «Etats et gouvernements» – au nombre de 88 actuellement – qui constituent la Francophonie institutionnelle, l’O.I.F., mais à l’ensemble des personnes qui, dans le monde – où qu’elles se trouvent – se reconnaissent dans la culture du monde francophone ou veulent la découvrir.

Cette diversité se retrouve dans son conseil d’administration qui compte des personnalités de différentes nationalités. Simone Veil, qui était membre de l’Académie française, a été sa présidente d’honneur jusqu’à sa disparition; la plupart des présidents d’honneur de La Renaissance Française, d’ailleurs, ont été des membres de l’Académie française. Ce fut le cas, notamment, de Poincaré, de Lyautey, de Louis Madelin, de Georges Risler, de Maurice Schumann, le prédécesseur de Simone Veil. C’est le cas de notre Président d’honneur actuel, le Prince Gabriel de Broglie, à la fois membre de l’Académie française et de l’Académie des Sciences morales et politiques, Chancelier honoraire de l’Institut de France.

Par de multiples actions et projets, La Renaissance Française s’emploie chaque jour à rapprocher les hommes et les peuples, à faire en sorte qu’ils se rencontrent.

Aujourd’hui, l’action culturelle et de solidarité de La Renaissance Française est fort étendue. Notre institution concourt au rayonnement de la langue française, de la culture francophone – sous tous leurs aspects – et à la protection des patrimoines, comme nous l’avons dit, mais aussi, elle promeut les valeurs de la francophonie, le respect de la diversité culturelle, le dialogue des cultures et apporte son assistance aux minorités linguistiques.

Elle y parvient par des initiatives multiples et variées prises tant par son siège que par ses délégations en France (une vingtaine) et hors de France.  Par exemple, en Bretagne a été lancé le projet «Aquamater» qui, sur trois continents, veut sensibiliser les lycéens au problème de l’eau, aux Etats-Unis, en 2016, ont été rassemblés à Saint-Louis quelque 400 écrivains du monde francophone, au Mexique, a été créé un institut de la francophonie, en Italie, avec l’appui de l’O.I.F., a été fondé une petite université, l’Université francophone de l’Italie du sud, l’U.F.I.S., en milieu franco-provençal ; ceci pour contribuer à la sauvegarde de la langue francoprovençale parlée en deux communes depuis sept siècles et demi et qui ne veut et ne doit absolument pas mourir.

Le combat pour la diversité linguistique est intimement lié au combat pour la diversité culturelle, parce que les langues sont, tout autant que les cultures, des patrimoines de l’humanité toute entière que nous devons préserver. Il ne peut y avoir de diversité culturelle pérenne possible sans diversité linguistique. La diversité linguistique est à la diversité culturelle ce que le multipartisme est à la démocratie politique.

La Renaissance Française a conclu des accords avec différentes universités, entre autres l’Université Senghor d’Alexandrie, l’Université de Naples Federico II, l’Université internationale de Rabat, l’UIR.   Elle a conçu, conjointement avec l’Université Senghor et l’Université de Teramo, un Master « Coopération au développement en Afrique et Méditerranée » qui devrait bientôt démarrer et fondé « les rencontres méditerranéennes de Matera », qui réuniront des intellectuels de tout le bassin méditerranéen ; bientôt naîtra le Cercle Universitaire Internationale de La Renaissance Française, cercle interdisciplinaire, qui rassemblera des universitaires de tous pays. En Guinée, notre délégation a été la cheville ouvrière et le porte-parole de « Conakry capitale mondiale du livre 2017 – 2018 » .

Notre institution décerne chaque année le prix littéraire de La Renaissance Française pour couronner une œuvre en français d’un auteur dont le français n’est pas la langue maternelle ; ont ainsi reçu ce prix une Italienne, un Vénézuélien, une Vietnamienne, un Argentin. Par ailleurs, chaque année, elle remet sa Médaille d’or pour l’ensemble de son œuvre à un écrivain reconnu: l’Algérien Boualem Sansal, l’Ecossais Kenneth White, le Belge Jacques de Decker, le Grec Vassilis Alexakis, le Japonais Akira Mizubayashi, le Turc Metin Arditi, le Libanais Alexandre Najjar.

En vertu de conventions, elle attribue un prix «La Renaissance Française» dans le cadre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (le dernier lauréat était Algérien), un autre dans le cadre de la fédération Maginot; d’autre part, elle accorde des prix de thèse ou de mémoire dont un dans le cadre de l’Université internationale de la francophonie et un autre dans le cadre de l’Université internationale de Rabat.

La Renaissance Française rassemble Francophones et non francophones au cours de colloques ou de tables rondes variés, par exemple à Paris, des colloque sur l’Arménie avant le sommet francophone qui allait s’y tenir ou sur Notre-Dame de Paris ; dans la capitale marocaine, avec l’IEP, sur «Le français langue politique, langue diplomatique» ou sur la littérature marocaine de langue française ; au Palais Farnese, siège de l’Ambassade de France à Rome : «L’Europe et l’après-crise» ou «L’Italie et la France dans la Grande Guerre» l’un et l’autre en présence du Grand Chancelier de la Légion d’honneur; sur le Palatin, des tables rondes sur le thème «Les ruines entre mémoire et oubli». Très bientôt, à l’Université de Seghed en Hongrie ou à Thessalonique, des universitaires de l’ensemble des pays des Balkans se retrouveront pour traiter du thème «La première guerre mondiale dans la littérature balkanique d’expression française ».

Ce n’est là qu’un rapide aperçu des actions et coopérations nombreuses et diverses entreprises pour faire en sorte que les êtres se comprennent mieux.

A La Renaissance Française nous disons : « Mieux se connaître pour mieux se comprendre et ainsi contribuer à la paix du monde ».

Il ne faut évidemment pas attendre les menaces, les atteintes aux droits humains, les conflits pour commencer à parler de paix.

La paix se construit. Oui, la paix est le fruit d’une construction. Elle suppose des actions préventives diverses.

Elle suppose surtout la connaissance, la compréhension de l’autre, la compréhension de ses besoins, la prise en compte de ce qui est essentiel pour lui.

Dans ce qui est essentiel pour l’homme il y a notamment  sa culture et sa langue. Leur porter atteinte serait assurément créer les conditions de conflits. L’Histoire nous en offre tant d’exemples !

A Stockholm, en 1957, dans son discours de réception du prix Nobel de littérature, Albert Camus nous a dit : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».

A La Renaissance Française, nous avons ces mots à l’esprit, constamment.

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