octobre 10, 2025

LES SCIENTIFIQUES FRANÇAIS

REVUE DE PHILOSOPHIE DE LA PAIX

Le Cordyceps et la pharmacopée intégrative

Dr Corneille DAGBA  

Le Cordyceps (Paecilomyces hepiali) :

Les champignons ont toujours suscité l’intérêt de la communauté scientifique et des amateurs de remèdes naturels pour leurs propriétés médicinales et leurs bienfaits sur la santé. Parmi ces champignons, le Cordyceps, en particulier l’espèce Cordyceps sinensis, est depuis longtemps célébré pour ses vertus médicinales. Originaire des contreforts de l’Himalaya et de certaines régions de l’Asie, le Cordyceps est un organisme fascinant qui prospère dans des conditions spécifiques et offre une gamme impressionnante de bienfaits pour la santé.

Le Codyceps, appartient à la famille des Cordycipitacées, il s’agit d’un champignon qui se développe dans des environnements uniques et spécifiques, souvent à des altitudes élevées. L’une des espèces les plus célèbres est le Cordyceps sinensis, qui pousse dans les régions montagneuses de l’Himalaya, notamment au Tibet et au Népal. Cette variété est souvent qualifiée de « champignon de l’énergie vitale » en raison de ses propriétés stimulantes.Ce champignon est connu pour sa symbiose avec des insectes, en particulier les chenilles. Le processus de développement du Cordyceps est étonnant et n’est sûrement pas inconnu des fans du jeu vidéo et de la série The Last Of Us qui use du même procédé pour animer son récit. Le Cordyceps infecte un insecte, pénètre dans son corps, et finalement émerge de l’insecte sous forme d’une structure filamenteuse appelée « stroma ». Le stroma du Cordyceps est la partie récoltée pour ses propriétés médicinales.

Le Cordyceps à l’état sauvage vs. Le Cordyceps cultivé

 

Historiquement, la récolte du Cordyceps sinensis sauvage était une tâche ardue, nécessitant souvent des expéditions en haute montagne. Cela a conduit à la raréfaction du champignon, augmentant ainsi sa valeur sur le marché. Cependant, la surrécolte a menacé la survie de certaines espèces de Cordyceps dans leur habitat naturel. Pour contrer ce problème, la culture du Cordyceps en laboratoire est devenue de plus en plus courante. Les chercheurs ont réussi à reproduire les conditions spécifiques requises par le champignon, notamment une basse température et un substrat approprié. Cette méthode de culture permet de produire du Cordyceps de manière durable et sans épuiser les populations sauvages.

Les Bienfaits du Cordyceps

Le Cordyceps est un champignon riche en nutriments et en composés bioactifs, ce qui en fait un choix attrayant en tant que complément alimentaire pour ceux qui cherchent à améliorer leur santé globale. Voici certains des bienfaits les plus notables du Cordyceps :

Soutien au Système Immunitaire

Le Cordyceps contient des polysaccharides et d’autres composés qui ont démontré des effets immun modulateurs. La consommation régulière de Cordyceps peut aider à renforcer le système immunitaire, ce qui peut être bénéfique pour la prévention des maladies et le maintien d’une santé optimale.

Amélioration de l’Énergie et de l’Endurance

De nombreuses personnes utilisent le Cordyceps pour augmenter leur énergie et leur endurance. Il est particulièrement populaire parmi les athlètes pour son potentiel à améliorer la performance physique.

Soutien Respiratoire

Le Cordyceps peut être bénéfique pour la santé respiratoire. Il a été étudié pour son potentiel à améliorer la fonction pulmonaire et à soulager les symptômes des affections respiratoires, notamment l’asthme.

Équilibre des Acides Gras Essentiels

Le Cordyceps contient des acides gras essentiels, notamment l’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique, qui sont importants pour la santé cardiovasculaire et la régulation des lipides sanguins.

Antioxydant Naturel

Les composés antioxydants présents dans le Cordyceps peuvent aider à neutraliser les radicaux libres dans le corps, réduisant ainsi le stress oxydatif et le vieillissement prématuré.

 

Le Cordyceps et la pharmacopée intégrative

La légitimation de l’explosion des usages de Cordyceps se base sur le déploiement d’un faisceau d’arguments qui réfèrent au registre de la nature (en particulier pour le produit sauvage), de la science (à travers les données pharmacologiques pléthoriques) et de la tradition (dont Lenclud [1987], rappelle combien le terme est à la fois largement usité et indéfini). Il réaliserait en cela le projet de la médecine intégrative, dont l’objectif est de combiner simultanément biomédecine et MAC, pour un produit, qui plus est, naturel.

Évolution des indications et formes galéniques

 

Selon Zhu, Halpern et Jones [1998] et Halpern [2007, p. 66], le Cordyceps serait cité dans un texte de médecine chinoise du vie siècle. Or Winkler [2012], ne trouve pas trace du texte ni de l’auteur et préfère situer la première occurrence documentée dans le compendium de materia medica Ben Cao Bei Yao de Wang An en 1694, faisant communément référence en médecine chinoise.

 La médecine tibétaine comporterait par contre un écrit de la seconde moitié du xve siècle intitulé « Un océan d’excellentes qualités aphrodisiaques », écrit par Zurkhar Nyamnyi Dorje. Sur le terrain, les tradipraticiens rencontrés, le considèrent comme un élément mineur de la pharmacopée tibétaine et ne l’utilisent guère.

Tous sont cependant unanimes pour décrire ses vertus économiques de longue date. Le Cordyceps est en effet un remède rare et cher dont l’usage aurait été réservé au XVIIe siècle à l’empereur et à sa cour. Selon Micollier [2009], il est considéré en médecine chinoise comme un tonique majeur du Qi, énergie ou souffle vital circulant dans le corps.

 Dans le Bencao Bei Yao, on l’indique comme tonique, pour la jaunisse et la phtisie, et également dans les cas de traumatismes sévères. Selon des sources contemporaines chinoises ou traduites [Bensky, Clavey, Stoger, 2004] et sur le site du Beijing digital museum of TCM (où l’image du Cordyceps illustre la rubrique materia medica, etc.), on le retrouve comme médication de choix dans diverses toux et difficultés respiratoires, impuissance ou éjaculation abondante, asthénies variées en particulier par vide d’énergie des poumons et des reins, lombalgie, dyslipidémie, etc.

En 2012, le « remède de l’empereur » s’est démocratisé et est accessible à tous, ne serait-ce que sur Internet, où il est précisé « Au Tibet, seul le dalaï-lama en consommait » [Webmaster, 2006], ce qui contribue à renforcer cette image de médication élitiste.

Selon les sites commerciaux consultés, il serait indiqué dans des troubles aussi variés qu’asthme, rhinite, allergies, insuffisance rénale, agression rénale par des produits chimiques, bronchite chronique, toux, tuberculose, faiblesse respiratoire, régulation de la pression artérielle (haute ou basse), vieillissement, faiblesse, éjaculation précoce, impuissance, hyperlipidémie, renforcement de l’immunité, infections virales (dont hépatites et sida), cirrhoses, convalescence, règles irrégulières, leucorrhées, douleur abdominale et rachidienne, insomnies, perte des dents, gonalgies, frilosité, troubles de la mémoire, syndrome de fatigue chronique.

Conclusion

Le Cordyceps, à travers la richesse des routes que la globalisation lui fait prendre et les conséquences sociales, environnementales et sanitaires de ses usages, est un objet infiniment riche pour une anthropologie biographique du phyto remède et des pharmacopées non biomédicales. À la source d’une économie fragile qui finit par mettre en péril la ressource elle-même et le développement qui lui est associé, il diffuse sur plusieurs continents en cristallisant les attentes d’une panacée : issu de la nature, il est supposé bienfaisant (efficace et non toxique) ; issu de la culture, il conserverait les propriétés de la ressource naturelle tout en devenant un produit standardisable aux effets reproductibles.

La science viendrait ultimement valider des indications issues de traditions supposées ancestrales et fiables qui en affirment la puissance. Elle se pose ainsi en garante et participe de la bio médicalisation des pharmacopées des médecines traditionnelles et des MAC, les entrainant dans une étreinte, que van der Geest décrit comme fatale [1985].

 Mais, en l’absence de production de données cliniques déterminantes et dans l’attente de procédés de validation adaptés à la complexité de leur objet, la science ne fait que participer d’un discours « intégratif » qui reste disparate, à travers une accumulation de données chimiques ou pharmacologiques et une succession de raisonnements analogiques, non étayées par des données de clinique humaine fiables, mais se voulant confirmer une tradition largement réinterprétée.

À chaque étape, la diversification des formes, des indications et des modes de légitimation des usages des produits révèle les attentes des sociétés/cultures que le Cordyceps traverse comme « opérateur symbolique » [Benoist, 1999]. Si ces aspects symboliques sont explorés à travers les discours recueillis, en particulier à partir de la source incontournable qu’est devenue Internet, il reste encore à explorer et confronter la réalité et la diversité des pratiques thérapeutiques usant de Cordyceps pour en affirmer le caractère de panacée moderne. Cordyceps sinensis et de nombreuses plantes médicinales nourrissent toutefois la quête sans cesse renouvelée du remède absolu une PANACÉE.

Etudes

Anti-inflammation activity of exopolysaccharides produced by a medicinal fungus Cordyceps sinensis Cs-HK1 in cell and animal models

Long-Qing Li 1, Ang-Xin Song 1, Jun-Yi Yin 2, Ka-Chai Siu 1, Wing-Tak Wong 1, Jian-Yong Wu 3

PMID: 32035153 DOI: 10.1016/j.ijbiomac.2020.02.022

Anti-Inflammatory Effects of a Cordyceps sinensis Mycelium Culture Extract (Cs-4) on Rodent Models of Allergic Rhinitis and Asthma

Jihang Chen 1, Wing Man Chan 2, Hoi Yan Leung 2, Pou Kuan Leong 2, Choly Tat Ming Yan 3, Kam Ming Ko 2 Molecules

. 2020 Sep 4;25(18):4051. doi: 10.3390/molecules25184051.

The extract of Cordyceps sinensis inhibited airway inflammation by blocking NF-κB activity

Ya-Ling Chiou 1, Ching-Yuang Lin

 PMID: 22068667 DOI: 10.1007/s10753-011-9402-9

Anti-inflammatory effects of Cordyceps mycelium (Paecilomyces hepiali, CBG-CS-2) in Raw264.7 murine macrophages

Seong-Yeol Park 1, Su-Jin Jung 2, Ki-Chan Ha 3, Hong-Sig Sin 4, Seung-Hwan Jang 4, Han-Jung Chae 5, Soo-Wan Chae 6

Orient Pharm Exp Med. 2015;15(1):7-12. doi: 10.1007/s13596-014-0173-3. Epub 2014 Dec 5.

Pordié L., Simon E., 2013, Les nouveaux guérisseurs, biographies de thérapeutes néo-traditionnels, Paris, Édition EHESS, sous presse.

Simon E., 2004, Les initiatives de promotion des thérapeutiques traditionnelles au Bénin, nouveaux enjeux thérapeutiques, politiques et religieux, Thèse de doctorat en Anthropologie, Montpellier, Université Paul Valéry.

Simon E., 2008, Importation of manufactured herbals in West Africa: the case of AIDS treatments in Benin, Revue Internationale du Médicament, 2 ; http://chaine.uqam.ca/revue_RIM/RIM2/RIM2.php